Questions et réponses avec Christina Tessier, présidente et chef de la direction d’Ingenium – Musées des sciences et de l’innovation du Canada

Thursday, October 10, 2019 11:23 AM | Deleted user


Par Alice Sun, stagiaire, communication scientifique, ACCS, Programme de communication visuelle en environnement, Fleming College 

Pour le futur de l’apprentissage des sciences au Canada, il est essentiel de comprendre que « l’innovation ne se fait pas en vase clos », et c’est le message que véhicule le thème du Congrès de l’ACCS 2020, mais que cela veut-il vraiment dire ?  

Pour Christina Tessier, présidente et chef de la direction d’Ingenium, cela signifie de se concentrer davantage sur le partage d’histoires plutôt que sur les obstacles. En appliquant cette philosophie, Christina repousse les frontières, faisant tout ce qui est nécessaire pour offrir de nouvelles expériences attrayantes aux visiteur.euse.s des musées. C’est ainsi qu’elle est parvenue à des résultats extraordinaires tout au long de sa carrière de 15 ans dans le monde des musées et de la culture.

En tant que communicatrice scientifique débutante, j’ai ressenti un très grand enthousiasme à l’idée d’interviewer Christina. Lors de notre rencontre, nous avons discuté des moments surprenants de sa carrière ainsi que de la manière dont elle entrevoit le futur de nos centres et musées de sciences. 


Questions et réponses avec Christina TessierQuestions et réponses avec Christina Tessier


Pour vous, que signifie le terme « décloisonnement » ?  

Pour Ingenium, je pense que le terme « décloisonnement » est tout aussi important à l’interne qu’à l’externe. Nous essayons de refléter cela dans la manière dont nous travaillons en équipe. Nous considérons que la collaboration est une valeur essentielle de notre organisme. Quand je pense à la collaboration au sens large, je pense à la manière dont les centres et musées de sciences ont toujours travaillé ensemble. Au dernier congrès de l’ACCS auquel j’ai participé à Halifax, j’ai vraiment senti la chaleur de notre communauté et l’importance qu’elle accorde à l’inclusion, et à quel point nous voulons nous soutenir les un.e.s les autres.

Je pense que nous avons maintenant l’occasion de porter notre réflexion bien au-delà de nos propres sites partout au pays, et de considérer la manière dont nous communiquons avec les universités, l’industrie, le gouvernement, les ONG, les artistes et autres. Pour ne pas seulement les amener à notre table mais aussi aller nous asseoir à la leur, pour continuer à apprendre les un.e.s des autres, et à appliquer les choses que nous apprenons de nouvelles manières dans le travail que nous faisons. Je pense qu’il existe de nombreuses nouvelles sortes d’occasions d’apprentissage continu dont nous pouvons toutes et tous bénéficier non seulement si nous pouvons vraiment concentrer nos efforts sur le décloisonnement mais aussi si nous pouvons être ouverts à la collaboration avec de nouveaux partenaires, auxquels nous n’avons peut-être jamais pensé auparavant.

 

Pouvez-vous me donner un exemple d’en quoi consiste le fait d’être ouvert aux nouvelles occasions ?

Absolument. Nous avons énormément travaillé avec une entreprise du nom de SEED du Sud de l’Ontario, pendant 5 à 6 ans. Il s’agit d’une entreprise de jeux. Lorsqu’elle a approché Ingenium au départ, la compagnie en était à ses tout débuts, et elle recherchait un partenaire. Elle ne recherchait pas seulement un contrat rapide, mais voulait plutôt mettre sur pied un partenariat qui profiterait aux deux parties, un partenariat dans le cadre duquel nous pourrions créer du nouveau contenu canadien que nous pourrions partager d’une nouvelle façon. Comment pouvions-nous utiliser les expériences proposées dans les musées, les offrir par le biais de l’élaboration d’un jeu, et les partager dans tout le pays et dans le monde entier ?

Heureusement, l’un de mes prédécesseurs, Fern Proulx, qui était président et chef de la direction d’Ingenium par intérim à l’époque, s’est montré très ouvert à l’idée de travailler avec SEED, et ils ont commencé à collaborer avec le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada sur ce qui est devenu une série entière d’applications mobiles et maintenant de jeux vidéo sur Nintendo Switch. L’un des jeux, portant sur la première guerre mondiale et les as de l’aviation, a déjà été téléchargé 1,4 million de fois ! Et puis, nous avons un nouveau jeu sur le thème de l’espace qui sort cet automne et qui a été baptisé « Starblox Inc. » (sortie le 18 octobre), qui illustre ce partenariat et la manière dont nous combinons ce sens du jeu avec l’acquisition de connaissances dans les domaines de la science et de la technologie.


Ingenium offre tellement d’exemples uniques de fusion de la science et des arts. Avez-vous un exemple favori ou plus mémorable que les autres à nous donner, illustrant les résultats spectaculaires que peut donner cette fusion ?

Quand je pense à ce mot « spectaculaire », l’exemple qui me vient vraiment à l’esprit, c’est en fait ce que je ressens avant même d’entrer dans le Musée des sciences et de la technologie du Canada. Il y a là, sur la façade blanche, un immense écran qui a fait partie de la vision architecturale quand l’édifice a été revisité. Celles et ceux d’entre nous qui étaient occupé.e.s à travailler sur le contenu, à l’intérieur du musée, n’avaient jamais vraiment pensé à cet écran jusqu’à l’approche de la date d’ouverture du musée. C’est alors que nous avons réalisé que nous devions programmer l’un des plus grands écrans DEL du pays !  

Peu sûrs de notre capacité à faire cela étant donné le temps qu’il nous restait, j’ai approché l’Office national du film du Canada. Nous savions qu’en ce qui a trait à l’audio-visuel, l’Office s’y connaissait ! Ils ont embarqué dans l’aventure et se sont avérés de fantastiques partenaires pour la programmation de cet écran, non seulement d’un point de vue technique mais aussi d’un point de vue artistique. Nous avons remonté la rue sur à peu près 500 mètres pour comprendre comment les gens verraient cet espace, longtemps avant d’arriver au musée. Comment pouvions-nous utiliser l’écran pour attirer les gens au musée ? Comment pouvions-nous utiliser le mouvement sur l’écran pour attirer l’attention de loin ?

La vision avec laquelle ils nous sont revenus non seulement utilisait l’espace disponible mais aussi les couleurs de l’arc-en-ciel, la géographie et le temps. Ils avaient créé une séquence de 3 minutes qui explorait des thèmes scientifiques et techniques d’un bout à l’autre du Canada, qui incluait les cultures autochtones, et que nous avons trouvée absolument fantastique. Cela a créé un point d’entrée dans le musée où vous avez l’occasion de changer vos perspectives avant même d’avoir vu nos expositions. Si vous vous tenez à proximité du musée, vous pouvez voir les visiteur.se.s s’arrêter et prendre un moment pour en profiter pleinement. Les jeunes enfants courent vers l’écran pour y toucher et se demandent ce qu’il se passe autour d’eux/d’elles. Nous sommes très enthousiastes à l’idée de continuer d’explorer comment nous pouvons utiliser ce que nous considérons à présent comme un espace artistique, et nous espérons travailler avec des étudiant.e.s et d’autres artistes du pays pour raconter davantage d’histoires.

 

Pouvez-me parler de résultats inattendus qu’a donnés une de vos nouvelles initiatives ?

Nous avons une initiative qui s’appelle Les femmes dans les STIM, qui comprend une exposition itinérante, une série d’affiches et un certain nombre de choses en ligne. Ce que nous avons vraiment trouvé intéressant, cela a été de voir la diffusion de notre série d’affiches par le biais d’un grand nombre de missions et ambassades canadiennes à travers le monde. Un des premiers endroits à en avoir se trouvait au Kazakhstan ce qui, bien sûr, nous a toutes et tous surpris.e.s. Avoir créé un produit que les gens peuvent si facilement utiliser et partager a été une excellente manière pour nous de parler de tout cela. Nous nous tenons debout et nous disons combien il est important pour les femmes et, franchement, pour tout le monde, d’avoir sa place à toutes les tables quand nous parlons de science et de technologie.


Alors si vous aviez un seul message à faire passer au monde entier, quel serait-il ?

Nous voulons être un endroit où tout le monde puisse se sentir le bienvenu ou la bienvenue, penser qu’il ou elle est pertinent.e, et qu’il ou elle est estimé.e. Je pense qu’il est important pour nous toutes et tous d’ouvrir nos portes et nos tables. D’encourager la diversité des voix autour de ces tables, d’examiner les idées visant à définir ce qu’est un organisme où l’on apprend des choses, de toujours réfléchir à la manière dont nous pouvons améliorer ce que nous faisons, comment nous le faisons et comment nous prenons nos décisions en ce qui a trait au travail effectué dans nos musées de sciences et dans nos centres de sciences. Je pense que beaucoup de tout cela revient à prendre des risques, et cela implique d’être ouvert.e à l’échec, de penser à la manière dont nous pouvons encourager notre organisme et notre personnel à sentir qu’ils peuvent prendre ces risques, tout en créant un environnement dans lequel nous prenons en considération le processus et non pas nécessairement les résultats pour mesurer le succès.


Comme Christina et Ingenium l’ont montré, le futur de l’apprentissage des sciences ne nécessite pas seulement de « décloisonner » les choses mais aussi de tendre la main et d’être ouvert.e à des partenariats improbables. Cela implique de créer un espace où chacun.e est le ou la bienvenu.e quels que soit son genre, son ethnicité, ou ses capacités. Cela implique de contribuer à un environnement où les gens ont la sensation de pouvoir, en toute sécurité, sortir des sentiers battus et prendre des risques. C’est ce qui est nécessaire pour innover, pour ne pas rester en vase clos, parce que, pour un esprit ouvert, tout est possible.


*Les réponses ont été modifiées pour des raisons de longueur et de clarté.